10/01/2016

Anomalisa


Anomalisa (Charlie Kaufman & Duke Johnson, usa, 2015)


Un film écrit par Charlie Kaufman est toujours un grand moment. Si vous ne le connaissez pas, je peux citer Being John Malkovich, Adaptation, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Human Nature, Confession of a Dangerous Mind ou Synecdoche New York. Son dernier en date se nomme Anomalisa, et il en est également co-réalisateur avec Duke Johnson, réalisateur spécialisé en animation, car Anomalisa est un film d'animation. Mais c'est un film qui aurait pu être réalisé avec "de vrais acteurs", à un seul détail près : les voix. Si vous cherchez le film sur imdb, voici ce que vous trouverez comme casting complet. 


Et tout l'enjeu du film est là, dans ce "everybody else". 

Michael, le personnage principal, est un spécialiste en service client venu à Cincinnati pour une conférence. Le film commence dans l'avion, un avion tout à fait banal, puis un aéroport banal, un taxi banal, qui dit des banalités, un hall d'hôtel banal, un ascenseur banal, les banalités du groom, une chambre d'hôtel banale. 


Des scènes qui n'auraient aucun intérêt dans une narration normale, sauf que c'est de l'animation, donc on ne s'ennuie à aucun moment en observant les prouesses de réalisme de la banalité à l'image. Et ainsi, chacune d'entre elle nous amène dans le délicieux "état Kaufmanien". On comprend le malaise sans le comprendre vraiment, et c'est palpitant. Impossible de détacher les yeux, et surtout les oreilles, où veut-il en venir ? Qu'est ce qui est bizarre ?

Jusqu'à la rencontre avec Lisa. Et sa voix unique. Et là le film nous montre un typique coup d'un soir dans un hôtel banal, mais avec une poésie folle. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu une scène de sexe aussi romantique et pourtant tellement réaliste. Du sexe banal mais magique car c'est la première fois avec une nouvelle personne.


Une scène qui n'aurait eu aucun intérêt dans un autre film, pas d'animation, sans cet enjeu crucial des voix. Elle devient ici passionnante et passionnée. On se focalise sur les acteurs qui doublent, tout ce qu'un réalisateur d'animation devrait éviter est provoqué, et ça fonctionne à merveille.

Puis arrive le moment "Kaufmanien", le cauchemar. Et le rythme s'accélère, le héros panique, il comprend l'enjeu.


La fin du film nous replonge dans "l'état kaufmaninen". On en reste troublé, intrigués par le message du film plutôt angoissant. Kaufman joue, comme à son habitude, sur la construction des personnalités, qu'est-ce qu'une personnalité, est-ce que ça existe vraiment, sommes-nous des individus tous différents ou au contraire tellement semblables que plus rien n'a d'intérêt.

Ce film est fascinant. Il réussit à sublimer la banalité grâce à l'animation, c'est vraiment impressionnant à observer, à un tel point qu'on en oublie de se concentrer sur les subtilités que nos autres sens perçoivent, on entend donc le problème de voix sans le situer vraiment, il provoque un malaise au même titre que le malaise du personnage principal, on est encore plus près de lui, en empathie pour ce type qui pourtant n'a pas grand chose d'attrayant... il est la banalité même.




Ce film rate lamentablement le test Bechdel.
Crédits photos : ©2015 Paramount Pictures.

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