24/05/2016

Horace and Pete


Il sort tellement de séries, qu'il est devenu impossible de voir le pilote de tout ce qui sort, même si on se contente des séries US ou anglaises. Il faut donc trier, sélectionner, s'informer, lire des avis éclairés et tester. En ce début d'année 2016, j'ai vu beaucoup de pilotes, mais gardé très peu de séries plus de 2 ou 3 épisodes. Et dans celles que j'ai gardées, il y en a une bonne partie que j'ai éliminé avant la fin de la première saison. La récolte est maigre. Mon coup de coeur absolu dans les nouveautés, c'est Horace and Pete, sortie sans aucune publicité d'aucune sorte, à part un lien sur une newsletter, sur le site de son créateur, Louis C.K.

C'est ce qui a été fait de plus original, de plus vrai, de plus poignant, de mieux écrit, de moins formaté, de plus étonnant, drôle, dramatique, de mieux joué, de moins conformiste, depuis de très nombreuses années. Mais c'est aussi lent, théâtral, exigeant, intello, politisé. Et pour toutes ces raisons, j'ai adoré Horace and Pete, mais cette série n'est pas destinée à un grand public.

Ça tombe bien, son créateur, Louis C.K., l'a écrite, réalisé, produite et diffusée sans l'aide de la télévision, ni d'aucun studio ou géant de la diffusion. On la trouve sur son site web, on peut acheter épisode par épisode ou la série entière (10 épisodes), maintenant qu'elle est terminée. Si vous doutez, vous pouvez trouver facilement le premier épisode à télécharger gratuitement chez nos amis les pirates. C'est ce que j'ai fait. Puis j'ai acheté l'épisode, et tous les suivants. Et je suis ravie d'avoir payé pour ce bijou. Selon sa dernière newsletter (ses newsletters sont des merveilles que je lis avec bonheur chaque semaine) la série est presque rentrée dans ses frais.

Elle n'a pas dû coûter bien cher : deux décors, celui d'un vieux bar poussiéreux situé à Brooklyn et un appartement au-dessus du bar, un épisode avec une scène en extérieur sur le banc d'un parc, une scène dans un restaurant générique, tout le reste se situe dans cet étouffant huis clos. Une histoire de famille, de secrets de famille, des piliers de bar qui commentent l'actualité, des flash back, des maladies, des amours tristes, toute la tendresse et la mélancolie de Louis C.K. et beaucoup de poésie. C'est extrêmement intelligemment écrit, c'est érudit et brut à la fois.


Le processus de production ressemble aux vieilles sitcoms qui ont des milliers d'épisodes : une semaine pour produire un épisode diffusé le dimanche. Durant 10 semaines, tous les dimanches, j'attendais avec impatience ma newsletter qui m'indiquait le lien vers le prochain épisode. Episodes aux durées variables, montés juste comme il faut pour que ce soit le mieux pour cet épisode-là, sans contrainte de temps. Cette manière de produire à l'ancienne est totalement révolutionnaire aujourd'hui, plus personne (à part pour des mini séries pour le web...) ne produit de cette manière, et ce flux tendu donne tout son piquant à cette expérience. D'ailleurs les piliers de bar commentent réellement l'actualité de la semaine (Trump en prend sévèrement pour son grade, mais les autres candidats ne sont pas épargnés).



Le plus extravagant de la série ? Son casting ! Louis C.K. et Steve Buscemi dans les rôles titres, sont accompagnés par des légendes du cinéma, de la télévision et de l'humour US comme Jessica Lange, Alan Alda, Edie Falco, Aidy Bryant, etc. Certains sont peu connus en Europe, mais c'est une ribambelle de gueules mythiques qui ont toutes un talent fou et sont dirigés par Louis C.K. qui est excellent directeur d'acteurs. A la fin du dernier épisode, l'équipe technique applaudit et tout le casting se retrouve aligné et salue. Car oui, on est sur un écran, et la lumière, les prises de vue et le montage ne sont pas oubliés, mais c'est définitivement au théâtre qu'on a l'impression d'être à chaque épisode. Et j'y retournerais bien. J'espère que l'expérience n'a pas épuisé son auteur et qu'il remettra le couvert.


S'il vous reste un doute, un article du New Yorker encore plus dithyrambique que moi. Si vous ne maîtrisez pas l'anglais, désolée, je ne sais pas si quelqu'un s'est attelé à la traduction de cette série, mais ça va être difficile à trouver.

Quelques extraits pour vous mettre en appétit. Si j'y arrive, je m'excuse d'avance pour la collection de mouchoirs que vous allez utiliser. Rien que de penser à une certaine scène, j'en ai les larmes aux yeux. Mais que c'est bon d'être émue par l'intelligence et le talent de quelqu'un.







2 commentaires:

  1. Merci pour cet article ! J'étais assez sceptique au début, et puis le monologue de Laurie Metcalf au début du troisième épisode m'a collée à mon siège. J'ai regardé la suite avidement, mais aussi tristement, avec résignation et émotion, avec joie et frissons. J'admirais déjà profondément Louis CK, mais là le mot admiration ne suffit plus. Jetez-vous sur ce joyau, s'il vous plaît !

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    1. J'hésitais à mettre cet extrait... mais je crois qu'il vaut mieux se le prendre en pleine tronche sans avertissements, en contexte.

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